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s insinuer incognito en même temps que le visiteur par moi re-
connu et accueilli.
Et, de fait, à partir de cet instant, c est moi, moi seul qui
répondis aux coups de heurtoir. Pour remplir mon office de por-
tier, je me faisais accompagner par le capitaine Haralan, ou, en
son absence, par un domestique de confiance. L huis n était
d abord qu entrebâillé, puis, tandis que mon compagnon le
maintenait à l intérieur, je me glissai par l hiatus que j obturais à
l extérieur. Le visiteur était-il admis ? Nous reculions pas à pas
tous les trois, serrés l un contre l autre, tandis que la porte se
refermait peu à peu.
Nous étions évidemment en parfaite sécurité dans cette
maison ainsi transformée en forteresse.
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J entends d ici l objection qu on peut me faire, à juste titre
je le reconnais. Plutôt que le nom de forteresse, notre hôtel eût
mérité celui de prison. C est vrai, mais un emprisonnement est
supportable quand il ne doit pas s éterniser. Or, le nôtre serait-il
de longue durée ? Je ne le pensais pas.
Je ne cessais, en effet, de réfléchir à notre situation singu-
lière, et, sans prétendre avoir pénétré le mystère indéchiffrable
de Wilhelm Storitz, je n étais pas sans faire un certain progrès
dans cette voie.
Quelques mots d explication, un peu arides peut-être, me
paraissent ici nécessaires.
Quand on fait tomber sur un prisme un faisceau de rayons
solaires, celui-ci se décompose, on le sait, en sept couleurs, dont
l ensemble donne la lumière blanche. Ces couleurs  violet, in-
digo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge  constituent le « spectre
solaire ». Mais cette gamme visible n est peut-être qu une partie
du spectre complet. Il peut exister d autres couleurs non percep-
tibles à nos sens. Pourquoi ces rayons, encore inconnus à
l heure actuelle, n auraient-ils pas de propriétés entièrement
différentes de ceux que nous connaissons ? Alors que ceux-ci ne
sont capables de traverser qu un petit nombre de corps solides,
le verre par exemple, pourquoi ceux-là ne traverseraient-ils pas
indistinctement tous les corps matériels 1 ? Si les choses se pas-
saient réellement ainsi, rien ne nous en avertirait, puisque nos
sens ne sont pas sensibles à ces rayons, supposé qu ils existent.
Il pouvait donc se faire qu Otto Storitz eût découvert des rayons
jouissant de ce pouvoir, et qu il eût trouvé la formule d une
substance, qui, introduite dans l organisme, aurait la double
faculté de se répandre à sa périphérie et de modifier la nature
des divers rayons contenus dans le spectre solaire.
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1
Depuis que ce manuscrit a été écrit, la découverte des
rayons infrarouges et ultraviolets a vérifié partiellement cette
hypothèse.
Ceci admis, tout s expliquait. La lumière, en atteignant la
surface du corps opaque imprégné de cette substance, se dé-
composait, et les rayons qui la constituent se transformaient
tous indistinctement en ces radiations inconnues dont
j imaginais l existence. Ces radiations traversaient donc libre-
ment ce corps, puis, subissant, au moment d en sortir, une
transformation en sens contraire, reprenaient leurs différentes
formes premières et impressionnaient nos yeux comme si le
corps opaque n eût pas existé.
Sans doute, bien des points demeuraient obscurs. Com-
ment expliquer qu on n aperçût pas plus les vêtements de Wil-
helm Storitz que lui-même, et que cependant les objets qu il te-
nait à la main demeurassent visibles ?
D autre part, quelle était la substance capable d engendrer
des effets aussi miraculeux ? Cela, je ne le savais pas, et c était
fort regrettable en vérité, attendu que, si je l avais su, j aurais pu
en faire usage et lutter contre notre ennemi à armes égales.
Mais peut-être, après tout, était-il possible de le vaincre, sans
posséder cet avantage ? Je me posais, en effet, ce dilemme :
Quelle que fût cette substance inconnue, ou son action était
transitoire, ou elle était perpétuelle. Dans le premier cas, Wil-
helm Storitz était obligé d en absorber de nouvelles doses à in-
tervalles plus ou moins rapprochés. Dans le second, il lui fallait
nécessairement détruire parfois l effet de sa drogue par une au-
tre drogue antagoniste, un contrepoison en quelque sorte, car il
est des circonstances où l invisibilité serait, non une supériorité,
mais une infériorité véritable. Dans les deux cas, Wilhelm Sto-
ritz était astreint, soit à fabriquer, soit à prendre dans une ré-
serve préexistante la substance qu il désirait employer, la quan-
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tité qu il en pouvait posséder sur sa personne n étant évidem-
ment pas illimitée.
Ce jalon posé, je me demandai quel sens avaient ces sonne-
ries de cloches, ces lumières agitées frénétiquement Cela ne ri-
mait à rien. C était incohérent, comme je l ai déjà fait observer.
Qu en conclure, sinon que Wilhelm Storitz, grisé par la toute-
puissance qu il s attribuait, en arrivait à des gestes d insensé,
qu il glissait à la folie ? C était là une éventualité favorable et
que l examen des faits tendait à rendre plausible.
C est en vertu de ces divers raisonnements que j allai trou-
ver M. Stepark. Je lui fis part de mes réflexions, et, d un com-
mun accord, il fut décidé que la maison du boulevard Tékéli se-
rait gardée jour et nuit par un cordon d agents de police ou de
soldats, de telle sorte qu il fût matériellement impossible à son
propriétaire de s y introduire. Ainsi ce dernier serait privé à la
fois de son laboratoire et de sa réserve secrète, si tant est que
celle-ci existât. Il serait donc condamné, par la force des choses,
soit à reprendre l apparence humaine dans un délai plus ou
moins long, soit à rester éternellement invisible, ce qui, le cas
échéant, pourrait devenir pour lui une cause de faiblesse. Nul
doute d ailleurs, si l hypothèse d une folie naissante était fondée,
que cette folie ne fût surexcitée par les obstacles opposés au
dément, et que celui-ci n en vînt à commettre des imprudences
qui nous le livreraient désarmé.
M. Stepark ne fit aucune difficulté pour me donner satis-
faction. Lui aussi, mais pour d autres motifs, il avait déjà pensé
à isoler la maison de Wilhelm Storitz. Il jugeait cette mesure
propre à calmer dans une certaine mesure la ville, si tranquille
d ordinaire, heureuse au point d être enviée des autres cités ma-
gyares, et maintenant troublée au-delà de toute imagination. Je
ne saurais mieux la comparer qu à une ville d un pays envahi, [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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